PAR BAPTISTE PETITJEAN
Marianne / 5 novembre 2021
La croissance revient. Fort bien. Mais le tissu industriel français déjà effiloché pourra-t-il en profiter ?
D’abord une bonne nouvelle. En 2020, le marché du gros électroménager n’a pas connu la crise. Les Français, même confinés, ont acheté plus de 15 millions d’appareils pour un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros, en croissance annuelle de 1,1 % (en valeur) selon les chiffres de GfK et Gigam cités par Neomag. Mais, à regarder les chariots de plus près, combien de grille-pain, de machines à laver ou de poêles à frire, estampillés made in France ? Peu. Très peu. Les déficits commerciaux sur les biens de consommation courante en disent long sur la désindustrialisation du pays. De grandes marques tricolores battent désormais pavillon étranger. En 2014, par exemple, le conglomérat algérien Cevital reprenait le groupe Brandt et ses quatre marques (Brandt, Vedette, Sauter et De Dietrich). Sur ce segment économique, les principaux produits viennent de Chine (aspirateurs, téléphones portables, consoles de jeux…) et de Pologne (machines à laver, téléviseurs LCD). Près de 2 millions de lave-vaisselle ménagers sont arrivés en France en 2019 en provenance essentiellement de quatre pays (Pologne et Chine donc, mais aussi Turquie et Allemagne).
C’est la Chine qui en profite le plus
Certes, une filière française de l’électroménager se montre capable de se projeter et de vendre au-delà de ses frontières, comme l’attestent les montants d’exportation de certains produits tels que les fers à repasser électriques (5 millions d’unités exportées), mais pas de quoi rétablir les équilibres. Au palmarès des déficits commerciaux figurent les téléphones portables (- 4,6 milliards d’euros en 2020) ainsi que les ordinateurs portables (- 4,4 milliards d’euros, en hausse de 20 % dans le sillage du confinement et de son corollaire le télétravail). Le trou commercial sur les appareils ménagers a augmenté de près de 40 % depuis 2012. La Chine en profite le plus avec un bond de ses exportations vers la France de 37 % en moins d’une décennie (2012-2021). « Si le PIB augmente, alors on produit nécessairement plus en France. Mais cette production peut ne concerner que les services. Les biens industriels seraient dans ce cas importés, creusant davantage le trou de notre commerce extérieur. Il est donc impératif de produire des biens industriels, lesquels ne sont pas toujours, tant s’en faut, des biens de haute technologie. Ces biens devront être en phase avec la transition écologique. Leur empreinte carbone sera plus faible que celle des produits importés », estime Gabriel Colletis, économiste et professeur à l’université Toulouse-I Capitole.
Toute une réflexion sur la production made in France durable s’impose donc. Kareen Maya Levy, présidente de l’entreprise d’électroménager Kippit, vient déjà de passer à l’action. « Nous lançons une bouilloire multifonction et réparable, pour laquelle nous avons déjà reçu 2 000 précommandes. Nous avons réussi à la faire fabriquer en majeure partie en France, même si cela a été très compliqué. Plus personne ne savait par exemple fabriquer la double cuve en inox dont nous avions besoin, que ce soit dans l’Hexagone ou en Europe. Rien que pour cette pièce, nous avons contacté 160 partenaires industriels potentiels, dont seulement quatre nous ont proposé un devis. » Quand on veut, on peut.