En l’espace d’une quinzaine d’années, l’Europe a été confrontée à trois crises majeures :
- économique, financière et sociale entre 2008-2016,
- sanitaire et industrielle en 2019,
- et politico-militaire depuis l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, par la Russie.
La conjonction progressive de ces crises, accumulant leurs effets, intervient également dans le contexte d’un profond bouleversement du système géopolitique mondial, caractérisé par l’affrontement historique entre les deux plus grandes puissances actuelles, les États-Unis et la Chine. Un nouveau paradigme s’est progressivement mis en place qui définit, désormais, l’avenir de la construction européenne.
L’Europe occidentale, alliée à la quasi-totalité des pays de l’Est, est entrée de fait en conflit ouvert avec la Russie – une sorte de guerre originale qui ne dit pas son nom. Cette guerre revêt des formes multiples, visibles ou cachées, qui englobent du côté européen des représailles économico-financières, des interventions directes et indirectes (fournitures à l’Ukraine d’armements, assistance en renseignements, formation et conseils, etc.) et, du côté russe, des mesures de rétorsion énergétiques et alimentaires dont les conséquences vont durement pénaliser les économies européennes. Sur le terrain, tout indique, pour l’instant, que l’affrontement est dans une phase d’attrition, marquée autant par la résistance ukrainienne, étonnante et massivement soutenue par les États-Unis et l’OTAN, que par l’immobilisation apparente des forces russes, qui occupent néanmoins une partie importante du territoire ukrainien. Tout indique que cette guerre sera longue, sauf si un des deux protagonistes s’effondre.
Le prisme nouveau à travers lequel il faut donc interpréter les enjeux à court et moyen termes des échéances européennes, c’est la guerre, même si celle-ci ne revêt pas pour l’Union européenne l’aspect d’un affrontement militaire direct.
Plusieurs caractéristiques apparaissent, qui doivent être soulignées :
1 ) D’abord le renforcement rapide, à l’unisson dans la quasi-totalité des pays européens, de la solidarité autour de l’Ukraine perçue comme petit pays enserré dans les griffes d’une grande puissance, la Russie, à laquelle certains gouvernements refusent même le label européen. Cet état d’esprit entraîne deux conséquences importantes :
a) d’abord l’émergence d’une opinion publique radicalisée par des médias européens qui imposent un puissant courant d’opinion central rendant très difficile tout débat raisonné sur le sens de l’agression russe, et qui appellent à un durcissement du conflit. Reste à savoir, toutefois, si cette inconditionnalité va résister aux effets à moyen terme de l’état de guerre. Mais, d’ores et déjà, on peut considérer que les très importantes sanctions européennes prises contre la Russie, au-delà de leur efficacité sur le court et moyen terme, ont eu d’abord pour fonction (et peut-être pour but) de renforcer l’identité européenne face à la Russie et au reste du monde. En dépit de quelques dissonances, l’Europe paraît ainsi très unie dans l’adversité. En témoigne l’accueil, exceptionnel, de plus de 4 millions de réfugiés ukrainiens depuis le début du conflit.
b) ensuite le besoin de construire un système de sécurité collective face à la menace russe, ce qui soulève clairement les questions d’une politique de défense, de sécurité et étrangère commune. Évolution qui entraîne, pour l’instant, rappelant la situation de Guerre froide d’avant l’effondrement de l’Union soviétique, le retour en grâce de l’OTAN et le renforcement de l’alliance euro-atlantique, même si les deux plus grands acteurs géopolitiques européens de l’Union, la France et l’Allemagne, plaident pour une autonomie relative de la politique de sécurité européenne. Dans ce contexte de guerre, l’OTAN, sous direction américaine, n’est plus conçue seulement comme une organisation défensive euro-atlantique mais de plus en plus comme une structure militaire dont les missions pourraient aller bien au-delà de l’Europe occidentale, en devenant un instrument potentiellement offensif partout dans le monde (certains spéculent même sur sa projection en Asie…). Sa légitimité face à la Russie, en dépit de son échec en Afghanistan, est aujourd’hui intacte, résultat de l’aberrante stratégie de Poutine. Dans l’immédiat, la grande majorité des États européens s’est ainsi replacée sans états d’âme dans le sillage de la puissance américaine. Changement important : le rôle nouveau des pays de l’Est, et spécialement de la Pologne, dans la géopolitique européenne. Ils sont devenus, face à l’agression russe, des acteurs stratégiques à part entière, arrimés au système de défense « otanien » mais aussi lancés dans une course aux armements (la Pologne vient d’acheter pour 5 milliards de dollars d’armement à la Corée du Sud) qui déterminera de plus en plus les rapports avec la Russie. Que, par ailleurs, plusieurs pays (Finlande, Suède) aient rejoint l’OTAN aux frontières mêmes de la Russie est symbolique de cette reconfiguration des rapports de force.
2) Sur le cours de la guerre, de manière générale deux tendances apparaissent. D’une part, dans le sillage de la France, initialement soutenue par l’Allemagne, prévaut une stratégie centrée sur la fermeté vis-à-vis de la Russie mais en maintenant ouvertes les voies du dialogue avec ce pays. L’Italie est plus ou moins sur cette ligne, l’Allemagne n’y pas encore totalement renoncé, malgré le jusqu’au-boutisme guerrier des Verts. Mais chacun sait que, si l’occupation de l’Ukraine est inacceptable et inadmissible pour tous, l’UE, pas plus d’ailleurs que les États-Unis, ne peuvent opposer une riposte militaire décisive (laquelle provoquerait en retour inévitablement une rétorsion nucléaire russe aux conséquences apocalyptiques.) Au cours de la présidence française de l’UE (janvier-juillet 2022), le président E. Macron a ainsi et très justement choisi la voie de la fermeté et du dialogue.
D’autre part, certains pays de l’Est, logés aux frontières de la Russie et souvent animés par un vieux contentieux avec ce pays, militent à la fois pour un accroissement massif de l’aide militaire et financière à l’Ukraine, mais aussi et surtout pour une stratégie de confrontation soutenue par les États-Unis dans le cadre du renforcement de l’OTAN. C’est au sein même du paradigme de l’OTAN que ces pays voient l’avenir de la défense commune européenne.
La Commission européenne, pour sa part, a adopté des représailles économiques et financières extrêmement sévères, qui entraînent des rétorsions russes essentiellement centrées sur l’approvisionnement énergétique européen (fermeture des livraisons de gaz du Nord stream, cessation du commerce des céréales ukrainiennes sous son contrôle, etc..). Les représailles européennes touchent maintenant directement le peuple russe, car l’Union a même mis en œuvre, sous la pression de certains pays de l’Est, une politique drastique de limitation des visas de circulation pour les citoyens russes en Europe.
De sorte que l’une des caractéristiques les plus importantes de la situation actuelle, c’est que ce sont de fait ces pays de l’Est qui donnent le ton politique vis-à-vis de la Russie, aidés autant par l’impasse dans laquelle se trouve la Russie confrontée au spectre d’une guerre longue que par les encouragements toujours intéressés des États-Unis. L’objectif de cette guerre longue, pour les États-Unis et leurs alliés, c’est évidemment d’aboutir à un échec stratégique historique de la Russie.
3) À l’intérieur même de l’UE, des modifications essentielles entre les États-nations se produisent, qui configurent cette nouvelle réalité. Suite aux propositions françaises (discours de la Sorbonne du président Macron en 2017) et allemandes récemment, un débat pourrait rapidement s’engager sur le système institutionnel que devrait revêtir l’Europe pour faire face non seulement à la guerre mais aussi aux grands enjeux du futur (énergétiques, technologiques, militaires, sociaux, fiscaux, etc.). Le président Macron avait centré son discours de 2017 essentiellement sur les questions institutionnelles, proposant notamment les notions de « souveraineté européenne » et de « Communauté politique européenne ». L’Allemagne, on s’en souvient, avait réagi à ces propositions en plongeant dans une profonde léthargie politique. Le contexte créé aujourd’hui par l’invasion russe de l’Ukraine semble l’avoir réveillée. Le chancelier Scholz formule ainsi, dans son discours à Prague le 29 août 2022, des propositions qui méritent l’attention.
Ce discours marque un tournant dans l’équilibre franco-allemand et à l’intérieur même de l’ensemble européen. Il manifeste la volonté de l’Allemagne d’imprimer sa vision de court et de moyen termes à l’Europe, d’autant plus qu’il est prononcé, comme s’il s’agissait d’une feuille de route, en présence du président tchèque de rotation du Conseil européen. Il évoque notamment, entre autres questions, la défense, l’élargissement et l’organisation des pouvoirs dans le système institutionnel européen : il propose ainsi de créer, à l’intérieur même du Conseil Européen, un conseil de sécurité européen (un conseil européen des ministres de la défense), qui pourrait mettre en œuvre une force d’intervention rapide et dont les décisions devraient être prises à la majorité qualifiée. Idem pour l’énergie, le social, l’immigration, la réforme fiscale et le traitement de la dette contractée depuis le Covid , qu’il entend gérer par un « accord réglementaire » contraignant.
Enfin, last but not the least, il veut donner à la Commission le pouvoir de défendre, au sein de l’UE, les « valeurs et l’État de droit », en renforçant une politique disciplinaire à l’égard des États récalcitrants par la modification de l’Article 7 du Traité européen. Ce point n’est pas de détail : il signifie objectivement que la Commission, en plus du droit d’initiative dont elle dispose sur le plan du marché, aurait aussi un droit politique contraignant sur les États et donc autonome par rapport au Conseil européen …
a) Sur l’élargissement, Scholz précise, tout en rejetant l’idée d’une Europe à plusieurs vitesses proposée par Emmanuel Macron, qu’il souhaite une Europe élargie à 32 et même à trente-six membres, avec l’arrivée des pays des Balkans en plus de l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie et fonctionnant grâce à l’introduction de la majorité qualifiée pour certains domaines de politique intérieure et extérieure, et, s’il le faut, par le biais de deux commissaires européens « conjointement responsables d’une seule et même direction générale ». Il propose également de réformer le Parlement européen, sans entrer dans le détail.
b) Mais les deux nouveautés radicales, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, concernent la politique de défense commune et la règle de l’unanimité dans le système des votes de l’Union. Sur la défense, il veut qu’elle repose désormais de plus en plus sur la puissance allemande. L’Allemagne a en ce sens pris la décision de consacrer jusqu’à 2% de son PIB à l’accroissement de sa puissance militaire, et d’accorder d’ores et déjà 100 milliards pour son infrastructure militaro-industrielle et ses achats d’armes, surtout auprès des États-Unis. C’est un virage à 180 degrés légitimé par l’intervention russe en Ukraine. Le chancelier Scholz précise que cet effort d’armement doit être orienté dans deux directions, à la fois vers la protection des États de l’Est et pour le renforcement de l’OTAN. Il stipule clairement que tous les efforts consentis en matière de défense aérienne doivent être conçus au sein d’une « opérabilité » européenne dont « toutes les capacités devront être déployées à l’intérieur de l’OTAN ». « L’Allemagne, souligne-t-il, concevra cette future défense aérienne de manière à ce que nos voisins européens puissent être impliqués si nécessaire – comme les Polonais, les Baltes, les Néerlandais, les Tchèques, les Slovaques ou nos partenaires scandinaves. » Autrement dit : si l’Allemagne n’a pas de puissance de frappe nucléaire propre, elle aura une super Bundeswehr pour protéger les « voisins à l’Ouest et à l’Est… » Reste à savoir, bien évidemment, si « les voisins » verront d’un bon œil le renforcement de la puissance allemande et une assurance pour le futur…
4) Sur le système de vote au sein du Conseil européen, il souhaite en finir avec la règle de l’unanimité, en lui substituant celle de la majorité qualifiée. Cette proposition ne doit pas non plus être prise à la légère. Si elle venait à être adoptée, tout le subtil et efficace équilibre entre nations qui caractérise la construction européenne en serait transformé. Elle signifie à terme l’éjection de la France du conseil de sécurité de l’ONU, parce qu’elle finirait par être remplacée par un représentant de l’UE, ce qui correspond à une demande réitérée de la quasi-totalité des membres de l’Union.
L’argument avancé pour en finir avec la règle de l’unanimité s’inscrit en réalité clairement dans une dynamique fédéraliste : il s’agit, soutient Scholz, d’empêcher que des décisions importantes et urgentes soient paralysées par des pays (on feint de ne parler que des « petits pays ») qui seraient en désaccord et qui rendent impossible l’expression rapide et efficace de l’Union sur des sujets majeurs. Mais cet argument est fallacieux : car il signifie aussi que l’Union européenne ne fonctionnerait plus comme une union d’États-nations avec des intérêts propres mais comme la juxtaposition de membres européens d’un grand corps qui serait l’Europe. Autrement dit, qu’il serait de plus en plus difficile de faire jouer la clause de défense de l’intérêt national, si cela s’avérait nécessaire, face à une Europe désormais fédérale.
Il faut prendre conscience de l’engrenage qui serait déclenché, y compris sur les questions de défense nationale, par l’adoption de la règle du vote à la majorité qualifiée : on choisit la voie de l’avenir fédéral de l’Europe, même s’il est baptisé d’un autre nom. Autant le dire clairement : c’est inadmissible, car c’est une atteinte insupportable à l’indépendance nationale. Si la France entre dans cette logique, en dépit de toutes les précautions de langage que prend le chancelier Scholz, c’est la fin de l’indépendance nationale.
D’autres considérations incitent également à y regarder à deux fois avant d’abandonner la règle de l’unanimité : celle-ci constitue de fait un puissant mécanisme de solidarité entre les membres de l’Union alors que la règle de la majorité qualifiée risque toujours d’entraîner une dynamique « disruptive », ou de « rupture d’obéissance », de la part de ceux qui auraient trop à perdre dans les conséquences des décisions ainsi adoptées. Autrement dit : rien ne garantit que le risque de « paralysie » (qui oblige à poursuivre les négociations pour parvenir à un accord satisfaisant entre tous) est plus dangereux que la « disruption », qui impose une logique majoritaire à trente deux peuples différents. Dans son discours, le chancelier Scholz est d’ailleurs conscient de cette difficulté, mais il la conjure en faisant appel à la « bonne volonté » des uns et des autres. En fait toute l’histoire de la construction européenne montre que le principe de l’unanimité sur les matières jugées essentielles par les nations européennes est le meilleur garant de la solidarité entre tous, ne serait-ce que parce qu’il permet d’avancer ensemble sans contraintes insupportables pour chacun. Il n’existe pas de nation européenne mais pour l’instant seulement 28 peuples différents qui ne peuvent fonctionner comme un seul et ne sont pas une Nation. Le « miracle » démocratique, fondée sur la loi de la majorité, n’existe de fait qu’à l’intérieur d’un État et au cœur d’un démos, d’une nation forgée par l’histoire et une identité commune. La majorité qualifiée, dés lors qu’elle concerne des domaines qui concernent l’intérêt national, n’a donc aucune légitimité en l’absence d’une nation européenne.
En résumé, le chancelier Scholz propose un programme existentiel complet pour les Européens. S’il n’est pas sûr qu’un tel dessein (et destin) plaise à tout le monde, il a au moins le mérite insigne, venant du dirigeant de la principale puissance économique européenne, d’obliger chacun à définir clairement son positionnement sur les différents points soulevés.
5) L’indépendance de la nation française reste le socle fondamental de notre appartenance à l’Europe. Une Europe des nations qui fonctionne dans le domaine politique, comme aujourd’hui, sous la forme d’une confédération de fait, n’empêche nullement de développer des coopérations vertueuses dans tous les domaines. C’est le sens profond que peut avoir une « Communauté politique européenne », et dans lequel pourrait enfin se projeter l’idée d’une autonomie stratégique européenne à l’échelle du monde. Mais cette idée reste fragile. D’une part parce que, appliquée au fonctionnement actuel de l’UE, elle est en contradiction de plus en plus ouverte avec le renforcement des pouvoirs de la Commission qui intervient aujourd’hui dans des domaines qui ne sont pas de sa compétence, tels la politique sanitaire ou l’affirmation de positions internationales dopées par la guerre d’Ukraine, confortée par la position de plus en plus prétorienne de la Cour de Justice de l’UE. D’autre part parce que les avancées dans le sens confédéral se limitent aujourd’hui à la proposition française d’une Union politique que le chancelier Scholz, dans son discours, a vidée de sa portée en indiquant que le dialogue politique ne devait pas faire obstacle à l’élargissement : or, on l’a vu, l’élargissement dans la forme qu’il propose développe et renforce le fédéralisme. Ce qui devrait être le principal outil d’avancée vers une Europe souveraine, et la condition décisive pour définir sa place dans le monde, car c’est à l’intérieur du système mondial qu’il faut penser l’avenir reste donc à l’état de concept.
Il est pourtant clair que le contexte mondial est structuré aujourd’hui, et le sera pour longtemps, par le conflit majeur, au-delà de la tragédie ukrainienne, entre deux grandes nations, la Chine et les États-Unis, la première en pleine montée en puissance, la seconde, forte encore, mais clairement sur la défensive sinon même en pente déclinante. Or l’Europe, et la France, ne peuvent accepter d’être prises dans l’étau de ces deux puissances. Elles ne peuvent désirer ni la vassalité ni l’alignement, comme le rappelle le président Macron. L’avenir dépend d’elles et de leur capacité à montrer au monde une voie spécifiquement européenne de civilisation et de progrès. Pour cela, la France doit avoir un rôle d’aiguillon aussi bien dans le renforcement des coopérations intereuropéennes, que dans la nécessité de faire prendre conscience à l’Europe de la priorité désormais impérative du Sud et des solidarités à construire avec des puissances continentales, spécialement l’Inde, le Brésil, et l’Afrique, continent d’avenir.
L’Inde est une grande puissance du présent et du futur ; elle deviendra rapidement une force industrielle, technologique et scientifique incontournable non seulement en Asie mais aussi dans le monde ; elle l’est déjà démographiquement (elle dépassera la Chine en 2050) et sur le plan militaire. L’Afrique atteindra sous peu les deux milliards d’habitants, dans le contexte d’un persistant sous-développement et des autoritarismes qui poussent ses forces les plus vives (les jeunes) à fuir vers l’Europe. Des migrations anarchiques massives, des intégrismes religieux produits d’un fort ressentiment contre un Occident rendu responsable d’injustices flagrantes, provoquent en retour des réactions d’hostilité dans tous les pays européens. C’est un défi de civilisation. Si l’Europe ne répond pas par une véritable stratégie d’investissements et de formation de marchés associés avec l’Afrique (plans Marshall), une politique de visas rigoureuse et de fermeté aux frontières, tout le système européen risque de se disloquer sous la pression des nationalismes xénophobes extrêmes qui montent en son sein. Le Sud est le défi le plus important pour l’Europe. Le contrôle des flux migratoires, qui correspond à une véritable et forte demande des populations des pays d’accueil, dépend essentiellement, si on veut agir sur les causes, d’une authentique politique d’aide au développement de l’Afrique.
6) Dans ce contexte global, nous défendons clairement l’Europe des nations, principal outil de projets européens communs dans tous les domaines.
- Nous plaidons pour une négociation globale concernant le système institutionnel, qu’il faut en effet adapter aux défis du XXIè siècle, non dans la précipitation ou par le biais de visées hégémoniques, mais dans le consensus entre tous et le respect des intérêts de chacun.
- Nous n’acceptons pas que le vote à la majorité qualifiée se substitue à la règle de l’unanimité dans les domaines qui engagent l’intérêt national et l’indépendance de la France, comme la défense, la sécurité, la politique extérieure, l’immigration, etc.
- Nous soutenons l’idée d’une Communauté politique européenne fondée sur des coopérations renforcées, qui favoriserait des politiques d’intégration sectorielles lorsqu’elles sont nécessaires.
La guerre en Ukraine nous concerne tous, mais il serait dangereux de croire qu’elle ne peut être résolue que par la guerre. La Russie, au-delà de l’invasion inacceptable qu’elle a déclenchée, reste la Russie sans laquelle aucune Europe solide et en sécurité ne peut se concevoir sur le long terme. Beaucoup d’occasions ont été manquées, du côté européen, et d’abord en 1991 au moment de la décomposition de l’Union soviétique, quand il fallait réellement associer la nouvelle Russie au projet européen. Une solution de paix, aujourd’hui, passe par le retour de la souveraineté de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues. L’Europe que nous voulons construire est entièrement projetée sur l’avenir ; elle est fondée sur la défense des valeurs humanistes de liberté, d’universalité et, pour nous, sur la France indépendante et solidaire dans un ensemble européen souverain.
Ce texte est la version longue d’un texte paru sur le site du FigaroVox : « La fin du vote à l’unanimité au Conseil européen reviendrait à brader notre indépendance nationale »