Par Jean-Yves Autexier, président de Refondation républicaine
La Communauté politique européenne, qu’avait proposée le président Macron le 9 mai 2022, a tenu sa première rencontre les 7 et 8 octobre derniers. Son architecture détone par rapport à la construction européenne traditionnelle.
En effet, cette instance réunit tous les États d’Europe, à l’exception de la Russie et de la Biélorussie. Aux États membres de l’Union s’ajoutent le Royaume-Uni comme la Turquie, la Suisse, la Norvège, l’Islande, l’Ukraine, les Balkans occidentaux, l’Azerbaïdjan comme l’Arménie, la Géorgie, la Moldavie… Une Communauté politique régie par les règles de l’intergouvernemental et non de l’intégration. Voilà une instance européenne où ni la Commission ni même le Conseil de l’Union européenne ne sont organisateurs. La présidence fut assurée par le Premier Ministre tchèque, qui tint la Conférence inaugurale avec Emmanuel Macron – initiateur de la Communauté politique européenne – et Maia Sandu, Présidente de Moldavie où se tiendra le prochain sommet. Les commentateurs ont retenu que la Russie n’en était pas membre ; ils auraient aussi pu souligner que, pour la première fois depuis la défunte UEO (Union de l’Europe occidentale), les États-Unis ne sont pas membres d’une instance devant débattre de la sécurité en Europe. Certes il ne devait pas manquer de petits et grands télégraphistes, mais le fait est là.
Sans doute pour s’extraire de la mécanique infernale de Bruxelles, les participants souhaitaient une instance de débat, informelle, sans communiqué final, sans organisation permanente. Le fait que la première réunion se tienne à Prague était peut-être aussi un clin d’œil lancé au projet mort-né de « Confédération européenne » formulée au même endroit, par François Mitterrand.
De fait, s’il n’y eut pas de déclaration finale, on note tout de même un communiqué concluant la rencontre entre le président Aliev (Azerbaïdjan) et le Premier Ministre Pachinian (Arménie) sous la médiation d’Emmanuel Macron et Charles Michel ; une mission de délimitation des frontières, décidée à cette occasion, peut être utile à la désescalade. Une rencontre de même type a pu se tenir entre les dirigeants de Serbie et du Kosovo. On lira aussi avec intérêt le communiqué concluant la rencontre bilatérale Liz Truss – Emmanuel Macron, partageant le désir de coopération en matière électronucléaire.
Le primat du politique
Bref, l’intergouvernemental renoue avec une tradition solide en Europe et peut se révéler fécond. On retient surtout de cette instance d’un nouveau genre que le débat politique et stratégique à propos de la sécurité en Europe peut échapper à la tutelle de la Commission européenne. Cette organisation administrative, non élue, doit céder le pas, quand il s’agit de l’essentiel, à la discussion directe entre chefs d’État et de gouvernement élus par leurs peuples. Qui s’en plaindrait ? « Intimité stratégique », « conversation stratégique » proposait le Président français. C’est un programme bien ambitieux, et le bilan qu’il en a lui-même tiré à l’issue portait davantage sur les mesures concrètes en matière de prix de l’énergie, de réforme du marché de l’électricité, de la décarbonation et de l’indépendance énergétique à conquérir. On notera à cette occasion une définition des priorités pour la France qui a le mérite de la clarté : décarbonation et indépendance, c’est-à-dire priorité à l’énergie électrique, renforcement des interconnexions en Europe, accélération de la production nucléaire, préparation de la mutation vers l’hydrogène obtenu par une électricité décarbonée.
Les fruits de cette initiative française tiendront ils la promesse des fleurs ? Il y a beaucoup d’États réticents ou hostiles à une telle démarche. L’idée d’Europe européenne n’est pas partagée par tous, loin de là. Mais la crise actuelle et la guerre en Ukraine montrent que ceux qui passaient hier pour vertueux sont aujourd’hui à la peine. Ceux qui étaient fourmis sont devenus cigales. La France a donc bien intérêt à agir maintenant : le primat du politique est à l’ordre du jour.