« Quand la NUPES dévore ses propres enfants »

Claude Nicolet est membre du Bureau de Refondation républicaine

Alors que se déroule ces jours-ci la rentrée parlementaire, tout porte à croire que le climat au sein de l’Assemblée nationale sera non seulement délétère, mais également explosif, en particulier au cœur même de la NUPES et de ce qui constitue son « réacteur nucléaire » (EELV et LFI), désormais hautement radioactif et contaminant.

Les évènements auxquels nous assistons, au-delà de la consternation voire de l’écœurement dans lesquels ils plongent probablement ceux qui espérèrent dans cet attelage, posent deux questions essentielles : qu’est-ce que la gauche aujourd’hui en France et à quoi sert-elle ?

Que reste-t-il de l’accord de mai 2022 ? Que devient la NUPES ? Que reste-t-il de ce rafistolage qui a vu le PS, EELV et le PCF s’effacer devant LFI ?

Les huées légitimes et bienvenues contre Sandrine Rousseau sont la conséquence directe des accointances, des complicités, des compromissions de » l’éco-féminisme » avec les réseaux de l’islam politique et de la guerre frontale qui a été déclarée à la longue tradition du féminisme universaliste totalement articulé à l’idée républicaine.

Car n’en doutons pas, Sandrine Rousseau est animée d’une véritable ambition et d’un projet, l’éco-féminisme, sorte d’objet politique relevant plus de l’invertébré gazeux que de la perspective historique qui permettrait à la France d’affronter les temps qui viennent. « Projet » certes terrifiant mais qu’elle compte bien mener à son terme. Adrien Quatennens (LFI) et Julien Bayou (EELV) en font actuellement les frais. Car si elle ne connait rien aux sorcières, elle sait en revanche parfaitement entretenir et faire flamber le bûcher médiatique qui risque par ailleurs de la dévorer à son tour.

Quoi de mieux en effet que d’être celle qui cherche la marque du diable, en menant ses propres enquêtes, en recevant chez soi les victimes et en dénonçant l’infâme au tribunal de l’opinion alimenté avec l’essence des réseaux sociaux afin de mieux éliminer d’incontestables concurrents. La nouvelle inquisition est en place, avec ses procureurs. La NUPES dévore ses propres enfants à défaut de dévorer ses morts. A ce rythme, c’est toute la gauche où ce qu’il en reste qu’elle enterre.

Sandrine Rousseau et ses “amies” ne sont pas républicaines, il faut le dire clairement car s’est également de cela dont il s’agit : avoir la capacité de reprendre le combat républicain, universaliste et internationaliste. Car le tragique de cette situation, au-delà de son indécence, c’est de constater que toute cette « gauche » a quitté les rives de la République.

La “gauche”, ou ce qu’il en reste au niveau organique, a tourné le dos à cette tradition qui faisait en partie son identité. Faut-il à nouveau rappeler les mots d’Élisabeth Badinter ou de Jean Daniel refusant de lui pardonner d’avoir abandonné la laïcité ? Comment ceux qui il n’y a encore pas si longtemps criaient « à bas la calotte ! » peuvent-ils accepter d’être passés sous les fourches caudines de ceux qui défilent avec le CCIF et les islamistes en novembre 2019, alors que se sont les jeunes femmes d’Iran avec de très nombreux jeunes gens à leurs côtés qui écrivent avec leur sang une page de cette histoire ?

Ils nous disent à quel point le débat sur la liberté du voile est une tartufferie monumentale. Si le voile est synonyme de liberté, pourquoi faut-il mourir pour l’enlever ?

A bien y regarder, sur l’essentiel, la NUPES n’est déjà plus, révélant les fractures et les haines qui la traversent depuis sa naissance. Nombreux sont les thèmes clés qui voient s’affronter des lignes politiques différentes, quand elles ne sont pas totalement antagonistes :

  • la transition énergétique : entre le PCF et une partie du PS favorable à la relance du nucléaire et LFI et EELV qui entendent fonder à 100 % le mix électrique de la France sur les énergies renouvelables,
  • Le modèle communautariste de « créolisation » de notre société de Jean-Luc Mélenchon et ne penser qu’en termes de minorités a pris le dessus. Même Oliver Faure applaudit Sandrine Rousseau alors que Laurence Rossignol la condamne en la qualifiant de menteuse, on mesure à quel point le choix de l’universalisme et du « commun » semble remis en cause y compris au PS.
  • Le rapport au travail et sa place dans la société tout d’abord : entre Fabien Roussel (PCF) qui pense à juste titre que la gauche doit « défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et des minimas sociaux », et Sandrine Rousseau (EELV) pour qui le travail est une « valeur de droite » et qui fait le lien entre le chômage et le « droit à la paresse », on ne sait plus où donner de la tête.

De telles dissensions montrent à quel point la coalition lancée au mois de mai n’avait qu’un but purement électoral. Pourquoi pas, ce n’est pas la première fois dans l’histoire. Mais dans le cas présent , ce n’est plus de cela dont il s’agit. Il est question de choix fondamentaux, qui engagent au delà de la « gauche », faisant ainsi passer la NUPES du cartel électoral à l’imposture politique. Désormais la violence est là avec son lot de délations, de propos orduriers, de traquenards, d’officines d’espionnage, de mise à l’index, de remises en cause de principes démocratiques fondamentaux… L’illusion n’aura duré qu’un été que déjà l’hiver approche.

Source : Marianne