Samuel Paty, deux ans après …

Par Claude Nicolet, membre du Bureau de Refondation républicaine

Voilà deux ans déjà, Samuel Paty était assassiné, décapité devant son collège, pour avoir fait son travail. Le terrorisme islamiste venait une fois de plus de frapper dans notre pays.

Deux ans et nous apprenons que les actes d’atteinte à la laïcité dans les établissements scolaires ont augmenté pour septembre, 54% des incidents recensés le sont pour “port de signes et tenues” religieux, soit une proportion plus importante que lors du deuxième trimestre 2022 (41% des signalements), détaille le ministère de l’Éducation nationale qui souhaite désormais que ces chiffres soient publiés mensuellement et non plus trimestriellement par souci de transparence, ce qui est une bonne chose. Ce motif représentait 22% du total des signalements au premier trimestre 2022, déjà en hausse.

Ces chiffres terribles sont la réalité d’une situation dont la gravité a été trop longtemps niée, celle d’une offensive de l’islam politique que portent essentiellement les Frères musulmans et les salafistes.

Jacques Julliard lui-même n’hésitant plus à parler de projet “d’islamisation de la France” dans l’un de ses derniers éditoriaux.

Les témoignages d’enseignants, du moins ceux qui ont le courage de parler, sont effrayants par leur violence et la mécanique parfaitement huilée de ceux qui les agressent les accusant de “racistes”, “d’islamophobes” et leur intimant l’ordre de se souvenir de Samuel Paty dont le nom a été détourné pour en faire désormais une menace.

Et c’est dans ce contexte que le maire socialiste de Villeurbanne a fait voter ce 13 octobre une subvention de 3000 euros pour l’association Alliance citoyenne qui prône le burkini dans les piscines alors que les Iraniennes se battent et meurent pour se dévoiler.

Au nom de la lutte contre les discriminations (doux euphémisme pour cacher une capitulation) on déserte la défense de la République face à ceux qui veulent l’abattre.

Ce combat, car c’en est un, ne se gagnera que dans la durée, voire la longue durée. À ce titre, il faut absolument relire le rapport de l’Inspecteur général de l’Éducation nationale Jean-Pierre Obin: “Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires” remis en juin 2004, il y a désormais plus de 18 ans au ministre de l’Éducation nationale de l’époque… monsieur François Fillon. Il faut le lire, le relire et l’apprendre par cœur. Tout y était dit, déjà, et annoncé. “De toute évidence, des organisations religieuses et politico-religieuses « travaillent » ces élèves, parfois dès l’école primaire, ainsi que leur famille, leur milieu social, leur quartier, et tentent pour certaines de les dresser contre l’école, les professeurs (ces « menteurs ») et l’enseignement dispensé” peut-on notamment lire. Et de conclure : “Sur un sujet aussi difficile, et aussi grave puisqu’il concerne la cohésion nationale et la concorde civile, soulignons qu’il est chez les responsables deux qualités qui permettent beaucoup, et qu’on devrait davantage rechercher, développer et promouvoir à tous les niveaux. Ce sont la lucidité et le courage.”

Notre pays n’a désormais plus que le choix de la lucidité et du courage que Jean-Pierre Obin appelait de ses vœux. Pour ce faire, il faut se donner les moyens de comprendre ce à quoi nous sommes confrontés et de cesser d’imaginer que seule la question sociale est à l’origine de l’offensive islamiste et des succès qu’elle rencontre. Si avec les “quartiers de relégations” la politique de logement et de peuplement doit être légitimement interrogée, nous limiter à cette interrogation ne serait que l’illustration d’un renoncement supplémentaire. Nous sommes face à une offensive politique, idéologique, qui se pense dans le temps et dans l’espace.

Nous devons également nous interroger sur ce que nous sommes, pour reprendre la célèbre formule de Spinoza, afin de savoir si nous voulons encore “persévérer dans notre être”. Pourquoi dans l’esprit de nos ennemis sommes-nous une terre de conquête ? Quelle analyse font-ils de notre société ?

Il faut également s’interroger sur le modèle qui a été proposé aux Français depuis plus de 40 ans maintenant.

Aimer son pays sous-entend que tout soit mis en œuvre pour le faire aimer. Que l’amour du pays soit transmis, enseigné, partagé. Que l’amour de la patrie soit une réalité vivante. Que la promesse républicaine soit une exigence sans cesse rappelée. Que la Nation est la brique de base de la démocratie et le moyen, par la citoyenneté, d’accéder à l’universel, antinomique du modèle communautaire.

Depuis plus de 40 ans, il était de bon ton de prendre congés de la France puisque l’Europe était notre avenir. Mais aujourd’hui, crise sanitaire, crise énergétique, guerre aux portes du pays, nous rappellent que finalement la France, la souveraineté, l’indépendance… c’est pas si mal.

Autrement dit, rien ne sera possible sans ce réarmement moral, intellectuel et peut-être même spirituel (qui ne veut pas dire religieux) afin d’affronter les temps qui viennent. Cela veut dire qu’il nous faut être en mesure de procéder à des remises en cause profondes sur une série de choix qui furent faits depuis près de 50 ans. Il y faudra du courage et de la lucidité pour reprendre les mots de Jean-Pierre Obin écrits il y a plus de 18 ans. Il y faudra également de la constance et de la détermination.

Rien ne sera possible si nous ne réarticulons pas la France avec son histoire afin de la replacer dans cette longue course au cœur même de celle de l’humanité et qui lui a donné cette place si particulière dans le concert des nations. La République, qui en est la forme moderne, avec la souveraineté, a fait descendre le pouvoir du Ciel vers la Terre, celle des hommes et des Citoyens. Ceux qui ne comprennent pas que nous sommes ici plongés au cœur d’un combat irréductible ne mesurent pas ce à quoi nous sommes confrontés. Nos ennemis eux, l’ont parfaitement compris et intégré, et se servent de l’antiracisme, de l’islamophobie, de la pseudo liberté de choix afin de mieux cacher leur agenda théologique voire eschatologique. Ils ne jouent pas dans le même registre mais savent parfaitement utiliser cette situation.
Les islamistes nous livrent une guerre sur notre propre territoire mais en y adjoignant un arrière-plan stratégique certes territorial, mais également conceptuel et temporel.

Il n’est plus possible que nos professeurs soient menacés. Il n’est plus possible qu’ils ne soient pas soutenus. Il n’est plus possible de financer des associations dont l’objet est clairement de rompre avec ce que nous sommes (mais encore faut-il que nous le sachions nous-même et que nous n’ayons pas peur de l’affirmer). Ce combat est simplement un combat existentiel. Le reconnaître sera déjà le début de la solution.

Source : Revue Politique et Parlementaire