Dans le texte commun du président Emmanuel Macron et du chancelier Olaf Scholz, publié par le Journal du dimanche du 22 janvier, apparaît, presque comme une incidence sans importance, une référence, pour relancer la solidarité franco-allemande, à la vieille et lancinante idée de l’Allemagne et de plusieurs autres membres de l’UE, d’étendre « le vote à la majorité qualifiée » en lieu et place de l’actuelle règle de l’unanimité au sein du Conseil européen.
La réitération de cette revendication, devenue presque rituelle, oblige à s’interroger sur l’état des négociations entre la France et l’Allemagne à un moment où ce pays, surtout lors du discours du Chancelier Scholz à Prague le 29 août 2022, prétend regrouper autour de lui la plupart des pays de l’Est pour réaliser une Europe à 36 membres.
Il s’agit, soutient Olaf Scholz, d’empêcher que des décisions importantes et urgentes soient paralysées par des pays (on feint de ne parler que des « petits pays ») qui seraient en désaccord et qui rendent impossible l’expression rapide et efficace de l’Union sur des sujets majeurs. Cet argument est fallacieux : il signifie en vérité que l’Union européenne ne doit plus fonctionner comme une Union d’États-nations avec des intérêts propres mais comme la juxtaposition de membres européens d’un grand corps qui serait l’Europe. Autrement dit, qu’il serait de plus en plus difficile de faire jouer, si cela s’avérait nécessaire, la clause de défense de l’intérêt national, face à une Europe désormais fédérale.
L’engrenage ainsi déclenché aurait inévitablement des conséquences sur les questions de défense nationale, et le fait que, par ailleurs, l’Allemagne ait décidé, après le discours de Prague, de créer l’European Sky Shield Initiative (ESSI) pour le projet de bouclier antimissile avec 14 autres pays de l’OTAN sans en référer à la France, donne une idée de la marginalisation de notre pays dans le contexte du recentrage de la politique allemande vers l’Est.
En outre, le renoncement à la règle de l’unanimité pour le vote au sein du Conseil européen bousculerait tout le subtil et efficace équilibre entre nations qui caractérise la construction européenne. Il signifierait également, à terme, l’éjection de la France du conseil de sécurité de l’ONU, et son remplacement par un représentant de l’UE. Cet argument s’inscrit en réalité clairement dans une dynamique fédéraliste de la construction européenne, alors que le système actuel est celui d’une Europe, union des nations, que nous défendons.